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Filippo Sorcinelli, parfumeur sorcier

Il aurait pu se contenter d’être le tailleur du pape, pour qui il crée dalmatiques, chasubles et mitres de cérémonie. Une collaboration démarrée avec Benoît XVI, qui s’est poursuivie avec François dans un style empreint d’un peu plus de simplicité. Ouvert à tous les vents de la création, Filippo Sorcinelli, 47 ans, peint, photographie, dessine des bijoux, donne des concerts d’orgue dans des églises et invente même des fragrances énigmatiques dans le plus pur style gothique. Sa dernière composition : le parfum Hæc dies (« voici le jour ! »), interprétation olfactive de l’Evangile de Marc, est commercialisé dans sa boutique, Container zerouno, qui vient tout juste d’être inaugurée à Milan.
Rien ne prédisposait ce garçon timide et pieux né à Mondolfo, station balnéaire de l’Adriatique, à embrasser une telle carrière. « Le cousin de ma mère travaillait dans un atelier où il fabriquait des robes pour le clergé. J’ai toujours été fasciné par ses gestes… », se souvient ce jeune homme aux faux airs de François d’Assise.
En réalité, c’est par la musique que Filippo Sorcinelli est venu à la création. Organiste précoce, formé au conservatoire Gioachino Rossini, à Pesaro, dans la région des Marches, puis à l’Institut pontifical de musique sacrée de Rome, il officiait à 13 ans dans les cathédrales de Fano et de San Benedetto del Tronto. Ce tropisme musical ne l’ayant jamais abandonné, il reprend aujourd’hui des pièces de Jean-Sébastien Bach ou de Marcel Dupré à la cathédrale de Rimini (Emilie-Romagne) ou à l’église Saint-Sulpice, à Paris. Et, de temps à autre, il propose quelques concerts improvisés…
C’est en 2001 qu’il fonde, avec son ami Marcello Bissoni, le Laboratorio Atelier Vesti Sacre (LAVS) – référence au mot latin laus, « psaumes de louange –, un atelier de conception et de confection de vêtements sacrés et d’accessoires liturgiques. « J’ai commencé par dessiner un habit pour un ami prêtre, puis, sans que je cherche à en faire un métier, tout s’est enchaîné grâce au seul bouche-à-oreille. » L’artiste total qu’il est, sorte de réincarnation de l’homme de la Renaissance, ne se réalise que dans la pluridisciplinarité. Il aurait d’ailleurs pu faire sienne la phrase du peintre Pierre Soulages : « C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche. » Ses lignes de force sont en rupture totale avec l’époque : le noir, le brouillard, le gothique, la minéralité, le mystère de la matière.
L’esthétique sombre de sa collection de parfums Unum, qui a déjà fait parler d’elle urbi et orbi, encensée par les experts de la parfumerie du monde entier, revient aux origines premières de cet art. « Le parfum n’est pas seulement une expérience sensorielle, elle est aussi spirituelle », précise-t-il en rappelant que les premiers parfums de l’humanité servaient à communiquer avec les dieux. On retrouve cette même démarche mystico-artistique dans son autre marque, Extrait de musique, hommage à l’orgue de Notre-Dame de Paris et à la musicalité du parfum dont le dernier opus s’intitule Trompette 8. L’artiste au corps sculpté et aux tatouages millimétrés a enfin bouclé la boucle qui unit la musique à l’odeur de l’encens.
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